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Pierre Wat (L'Inaperçu, extrait)
Labyrinthes, disais-je de ses
dessins : labyrinthes intimes, c’est certain, où ce sont la déambulation
et l’errance, plus qu’une hypothétique échappée, qui donnent vie à
cela. Il y a dans ces dessins tant de bifurcations, de repentirs
visibles, de faux effacements, d’aveux esquissés puis abandonnés, il y a
tant d’enroulements, de noeuds et de sang qui circule. C’est la vie,
qui irrigue tout cela. Dessins écorchés vifs. Où la dissection est la
modalité d’une traque de la vie. Où le pinceau-scalpel ne tue pas mais
fouille, inspecte, interroge sans fin. Si l’amour existe, alors, où
va-t-il se nicher, dans quel organe vital ? « Quelles sont les
sensations, dans le corps ? », demandait-elle à ces jeunes gens qui se
tenaient devant sa caméra. Il y a, chez Pascale Kaparis, un désir de
voir et de savoir dont ses oeuvres sont le constat d’échec. A suivre les
lignes qu’elle trace et entremêle, on se heurte souvent à des trajets
brisés, et à des faux raccords. |
Frédéric Emprou (Les Partitions du sentiment, extrait)
Vaste portrait en creux, Pièces sur
l’amour s’improvise à la façon de la caisse de résonances qui reproduit
sur un mode allusif, les pulsations et les éclats de cette fiction sans
fin. La retranscription de Pascale Kaparis ne prétend pas à l’épuisement
de son sujet, mais peut-être celui d’une approche de son temps si
caractéristique, fait de présent et d’inactuel : le moment prolongé des
recommencements et des inachèvements. Possible clé à Pièces sur l’amour,
on se souviendra de la limpidité et du laconisme de la phrase de
Barthes ramenant à cette irréductibilité, à la fois toute simple et
éternel préalable : « c’est l’histoire donc d’un amoureux qui parle et
qui dit ». |
Ed Hanssen (La mise à nu des interviews sur l'amour, extrait)
Quand je représente un visage, je cherche
à être au plus près de la vérité de ce visage. Je filme les mouvements
imperceptibles de la face. Je me souviens avoir vu au Louvre, deux
portraits de femme peints par un artiste allemand du 18e siècle, une
femme d’âge mûre et une vieille femme. Ces portraits peints bougeaient
lentement, imperceptiblement par petits glissements. (...)
EH : Le titre, « Pièces sur l’amour
», ne couvre-t-il pas en fait que partiellement ton exploration, je veux
dire, le sujet de l’amour n’est peut-être qu’un prétexte pour faire ton
travail d’artiste, pour mettre le doigt sur ce qui se passe au niveau
du visage ? PK : J’ai fait l’expérience – comme tout le
monde sûrement – de voir que l’expression d’un visage peut être en
décalage avec le sens des mots, de voir à quel point le visage et le
langage peuvent être dissociés. Ce qui me perturbe c’est la distorsion,
l’écart entre visage/corps et langage qui mène à des non-sens. Un visage
peut mentir. Je crois que je cherche une certaine vérité ou la vérité.
Je filme ces jeunes personnes avec leurs propres questions qu’on entend
mais je filme aussi ce qu’on n’entend pas. Par exemple, les mouvements
et manifestations du trouble sont des mots, des indices. Et les gens
restent impénétrables ! Est-ce que la déconstruction du langage peut
faire en sorte qu’on aille plus directement à ce qui paraît impénétrable
? Est-ce que la déconstruction du langage peut approcher une certaine
vérité ? |
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